L’étude réalisée par les cabinets CRESS-Néorizons pour la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS) vise la formulation de perspectives d’action publique, à partir de l’analyse de l’action déployée au bénéfice des enfants exposés aux violences au sein du couple. Elle s’est appuyée sur un important corpus de travaux académiques et de littérature grise, et des échanges avec des acteurs de terrain et parties prenantes, rencontrés dans 4 Départements.
En premier lieu, le constat est fait de l’importance du fait social étudié : le nombre d’enfants exposés aux phénomènes de violence au sein du couple apparaît très conséquent, même si les obstacles à un recensement rigoureux sont nombreux du fait de la complexité de ce phénomène, qui reste à ce jour largement masqué, minoré et non pris en compte dans le fonctionnement courant des politiques publiques.
Ensuite, les travaux de recherche convergent avec la plus grande cohérence sur le caractère profond et durable des effets développementaux de l’exposition de l’enfant à la violence du couple. Confrontés aux référentiels d’action de terrain, ces enseignements ne constituent pourtant pas un cadre homogène pour toutes les catégories d’acteurs, au risque d’une inadaptation, voire d’une absence des réponses proposées à ces situations spécifiques.
Un grand nombre d’acteurs et institutions ont une mission qui les amène à connaître des situations d’enfants exposés aux violences dans le couple. L’étude met particulièrement l’accent sur la différence de traitement qui peut résulter de l’angle de politique publique par lequel les acteurs appréhendent chaque situation individuelle : soit en cherchant à mettre fin à une situation de violence subie par la victime (très majoritairement la mère), soit par le repérage du danger ou du risque de danger encouru par l’enfant. Il s’agit là d’un enseignement majeur de l’étude.
Plus précisément, les relations et procédures de travail des acteurs issus des deux « sous-systèmes » que constituent d’une part la lutte contre les violences faites aux femmes et d’autre part la protection de l’enfance apparaissent comme insuffisamment structurées, parfois même problématiques. Cela peut s’expliquer par les différences des acteurs concernés, des grilles de lecture mobilisées et des modes d’interventions judiciaires. Il en résulte des controverses sur les modèles et les pratiques qui peuvent fragiliser durablement les coopérations.
En ce qui concerne la protection de l’enfance, on identifie une meilleure prise en compte progressive de la violence au sein du couple dans l’analyse de la situation de l’enfant exposé, mais cela reste insuffisamment étayé au plan de l’évaluation des situations individuelles, comme au plan de la politique publique.
Les structures spécialisées dédiées à l’accueil des femmes victimes sont celles qui ont le plus développé de réflexions et d’outils pour prendre en compte la place des enfants dans la situation des mères-victimes accompagnées. Mais elles ne représentent qu’une part limitée des structures d’accueil du champ de l’hébergement qui ont à recevoir des familles concernées par la violence conjugale, et qui sont le plus souvent très démunies dans l’approche de cette thématique. Enfin, l’action menée en direction des auteurs de violences constitue un maillon dont le développement reste très limité, et peu intégré dans la réponse d’ensemble proposée aux familles.
Pour conclure, l’étude montre la nécessité d’une préoccupation collective spécifique pour les enfants, car leur position souvent centrale dans les situations familiales de violence conjugale renforce les impacts sur eux d’une violence mettant en jeu leurs figures d’attachement. L’étude a pointé l’insuffisance de la coopération entre acteurs de champs variés (justice, école, hôpital, police, social, médico-social), au sein desquels la situation de l’enfant risque d’être prise dans un angle mort (par exemple, dans l’approche pénale de la violence conjugale, la gestion des séparations problématiques, l’hébergement au sein de structures sociales).
Les perspectives de travail ouvertes par l’étude s’inscrivent dans la continuité des orientations gouvernementale relatives à la lutte contre les violences faites aux femmes et à celles relatives à la lutte contre les violences faites aux enfants. Ces évolutions récentes auraient à être étayées par la reconnaissance de l’exposition des enfants à la violence dans le couple comme une forme spécifique de maltraitance, ce qui faciliterait les initiatives visant la meilleure articulation des acteurs au bénéfice de la situation des enfants et l’approfondissement des réponses proposées à ceux- ci.
Etude menée par Laurent Barbe et Romain Maneveau pour les cabinets CRESS-Néorizons. En cours de publication.